sur L'Express
L'Express du 19/12/2002
Justice
Silence, on tue !
par Eric Pelletier
La rétractation des principaux témoins lors du procès concernant l'assassinat du nationaliste Christophe Garelli vient encore de le démontrer: rendre la justice dans l'île de Beauté est difficile, tant la peur règne. Malgré l'omerta, des mères et des veuves de victimes ont décidé de réagir
C'est l'histoire d'un bouquet de roses. Il a été cloué sur un arbre, en plein Bastia, en souvenir de Nicolas Montigny, 27 ans, assassiné à l'issue d'une série de règlements de comptes, le 5 septembre 2001. Un jour, ou plutôt une nuit de novembre dernier, les fleurs disparaissent. Le souvenir et la douleur de la famille ne doivent pas dépasser du carré qui leur est réservé, dans le cimetière du village de Bisinchi. Mais la mère, Christiane Muretti, ne cède pas à l'intimidation. Elle dépose une autre couronne. Cette fois, personne n'ose y toucher. Certaines roses respirent le défi.
Christiane Muretti a un visage grave, une robe noire et un sourire triste au-dessus. Elle pose un regard sans concession sur les violences à répétition qui endeuillent l'île. «La Corse assassine ses enfants, comme dans une guerre», résume-t-elle. «Récemment, je discutais avec quatre autres mamans, explique-t-elle. Au fil de la conversation, nous nous sommes rendu compte que nous avions toutes perdu un fils, mort assassiné. Ils avaient entre 21 et 37 ans… En fait, depuis la disparition de Nicolas, j'ai rencontré de nombreuses personnes qui ont été touchées par un drame identique. Bien sûr, il y avait beaucoup de chagrin, de compassion, une certaine fraternité. Mais ce qui m'a frappée, c'est cette sorte de fatalisme qui prédominait. Comme si on devait accepter cette tragédie. Comme si nous devions nous taire, ne pas faire de vagues. Vous savez, dans le cas contraire, lorsqu'on refuse le silence, on passe rapidement du statut de victime à celui de coupable. Si, au contraire, tous ceux qui savent quelque chose acceptaient de parler, simultanément, les pressions seraient beaucoup plus difficiles à exercer.»
Elle a justement choisi de rompre cette omerta, cette peur des représailles qui régule et tétanise à la fois la société insulaire, en témoignant dans l'enquête sur l'assassinat de son fils. «Le problème, c'est que les Corses non seulement ne rejettent pas les assassins, mais en plus les respectent, poursuit Christiane Muretti. On aime prendre un café avec eux. Et l'on n'hésite pas à s'en vanter: cela devient presque un titre de gloire.» Veut-elle se venger? «Je ne veux pas privilégier la vengeance. Ce serait entrer dans un cercle vicieux. Céder aux rumeurs. Or Nicolas est peut-être mort à cause de cette rumeur qui voulait qu'il soit capable de venger ses amis tués avant lui. Perdre un fils constitue déjà une déchirure irrémédiable. Ce serait un réconfort moral que de savoir les tueurs jugés et condamnés.» Elle vient d'ailleurs d'adresser une lettre au ministre de l'Intérieur pour solliciter un entretien: «Des éléments, dans cette enquête, permettent d'aboutir, assure-t-elle. Or les semaines et les mois s'écoulent sans que rien bouge. Il semblerait que seule une intervention de votre part permettrait de débloquer la situation.»
La démarche de Christiane Muretti n'est pas isolée. D'autres mères, d'autres veuves, ont, elles aussi, choisi de témoigner. Comme si, en définitive, le courage était une affaire de femmes. Michèle Marcelli, qui n'a pas souhaité nous rencontrer, participe également à l'enquête sur la mort de son mari. Elle est veuve depuis ce 21 août 2001 où Dominique Marcelli, 25 ans, a été assassiné à Moriani. Les tueurs ont ensuite mis le feu à la voiture où il se trouvait avec son ami Jean-Christophe. Quelques jours après le drame, Michèle Marcelli mettait au monde une petite fille. Longtemps, elle a gardé un lourd secret. Avant de se rendre seule, le 28 octobre dernier, dans le bureau du juge d'instruction bastiais Charles Duchaine. Michèle Marcelli lui a révélé qu'elle avait assisté à l'enlèvement de son mari, puis a expliqué qu'elle avait vu Dominique monter dans une voiture, sans imaginer qu'il partait vers la mort. Son témoignage apparaît aujourd'hui comme capital, même si le principal mis en cause conteste toute implication.
En Corse, qui souffre d'un taux d'homicides parmi les plus élevés de France, l'omerta reste encore trop souvent la règle. Le procès qui s'est tenu à Bastia du 9 au 13 décembre vient d'en offrir une illustration, presque caricaturale. Les deux acquittements prononcés par la cour d'assises de la Haute-Corse, au terme de cinq jours d'audience pesants, ont en effet claqué comme de nouvelles détonations.
Un système de valeurs clanique
A priori, concernant le verdict, il n'y a rien à redire. Christophe Pieri et Stéphane Sbraggia, accusés d'avoir tué, le 21 août 1998, un jeune militant nationaliste, Christophe Garelli, lors d'une fête de village, devaient sans doute être acquittés. Ils ne pouvaient guère être condamnés sur la base de ce qui a été débattu à l'audience, à partir d'un dossier plombé par la rumeur. Ils ont été libérés après cinq jours d'audience. Il n'y a rien à redire, et pourtant, il y a tant à dire. L'amnésie des témoins aura été la meilleure défense des accusés. Ils n'auront pas eu de contradicteurs. Comme si le verbe haut et des épaules larges suffisaient à imposer une loi non écrite: celle du silence. Il faut dire qu'on jugeait ici, en Corse, le fils et le fils adoptif de Charles Pieri, qui fut longtemps l'une des figures du FLNC.
Au procès, le silence aura été assourdissant. Malgré les 250 personnes invitées à la fête, ce funeste 21 août 1998, les enquêteurs ne pourront compter que sur deux véritables témoignages, dont celui d'une adolescente. Régine, âgée de 15 ans à l'époque des faits, habite sur le continent, mais passe ses vacances chez sa sœur. Ce soir-là, elle voit mourir Christophe Garelli. Ses déclarations permettent d'établir un portrait-robot du tireur et de son complice. Mais, au cours de l'instruction, l'adolescente ne reconnaîtra pas les accusés sur les photos qu'on lui présente. Elle refusera ensuite toute confrontation. C'est donc sans surprise que, mère de famille depuis trois semaines, elle s'est fait excuser au procès de Bastia. Angélique, la sœur de Régine, était, elle aussi, convoquée. Elle a préféré envoyer une lettre. Franche et directe: «Je ne comprends pas cette citation à comparaître. J'ai des menaces de ma belle-famille. Ma fille et moi sommes répudiées. J'ai peur.» Elle conclut: «Cette île n'a apporté dans notre vie que du malheur. Il n'est pas question que j'y remette les pieds un jour.»
Plus troublant, cinq des onze experts (continentaux, pourtant) ne se déplaceront pas, officiellement pour des raisons techniques. L'un d'eux explique par exemple qu'il ne peut faire l'avance de ses frais de déplacement. Le gendarme qui a conduit l'enquête, à la retraite depuis quelques jours, joue de malchance: sa femme vient de se fracturer une cheville. La peur est, en tout cas, palpable chez les amis de Christophe Garelli, ceux qui l'ont accompagné à la fête. La vérité, ils la doivent, pensent-ils, à la famille, pas à la justice. Ce sont eux qui, semble-t-il, ont appris le nom des tueurs au père de la victime. Ce dernier, François Garelli, lui, est allé apporter l'information aux policiers. A l'audience, il s'est montré d'une remarquable dignité. L'un des amis de son fils ne se souvient plus de lui avoir parlé? «Sous le clémentinier, tu me l'as dit», lui rappelle fermement François Garelli.
En fait, ce procès s'est heurté à un système de valeurs clanique, exacerbé par les convictions nationalistes des différents protagonistes. Un système dont bien des Corses voudraient pouvoir s'extraire. Prenez Anthony. C'est un ami de la victime. Invité à témoigner, il est hospitalisé à Marseille pour une rage de dents. On va le chercher entre deux gendarmes. Militant nationaliste, il exècre la justice française et le montre. «Jurez-vous de parler sans haine et sans crainte?» tente la présidente. «Je ne crains personne», répond-il, narquois.
Lorsqu'on lui demande s'il a bien désigné les tueurs au père de la victime, Anthony est bien le seul à ne pas démentir. Au nom d'une conception ancestrale de l'honneur, celle qui ouvre la voie à la vendetta, il se contente d'une phrase énigmatique: «Ça ne regarde que François et moi.» Dans ces conditions, le procès ne pouvait que tourner à la Berezina judiciaire, malgré l'appel au civisme de l'avocat général, Patrick Beau, qui avait réclamé quinze ans de réclusion criminelle à l'encontre de Sbraggia et dix à l'encontre de Pieri. Berezina judiciaire, aussi, malgré la plaidoirie implacable de l'un des avocats de la partie civile, Me Jean-Michel Mariaggi.
Dramatique nuit de la Saint-Sylvestre
«J'ai longtemps cru que l'omerta était propre à la Corse, note un magistrat, qui fut en poste sur l'île. En fait, je rencontre aujourd'hui, dans certaines cités, les mêmes règles non écrites qui reposent sur une peur intériorisée. En raison de la proximité des lieux de vie, la victime peut rencontrer à tout moment son agresseur. La différence, c'est qu'en Corse on risque sa peau.» C'est vrai qu'il faut une bonne dose d'héroïsme pour apposer sa signature en bas d'un procès-verbal d'audition. Ceux qui trouvent le mot un peu fort devraient pousser jusqu'à Aullène, un joli bourg de montagne, isolé, au sud d'Ajaccio. «L'air y est pur, indique le Guide du routard. Et on y vit très vieux.» Ce n'est pas toujours vrai. On y meurt parfois très jeune, à 25 ans, simplement parce que l'on a apporté son concours à la justice.
En 1995, le braquage minable d'une voiture postale du village ne fait pas les gros titres des journaux. Mais le témoignage d'un cantonnier, Laurent Gaspari, permet aux enquêteurs de remonter jusqu'à un suspect: Dominique Ambroggi. L'homme est finalement condamné à trois ans de prison. Or Gaspari et Ambroggi sont tous deux originaires d'Aullène. Au village, l'atmosphère se tend. Pour les fêtes de fin d'année, en 1996, Ambroggi obtient une permission de sortie. La nuit du 31 décembre au 1er janvier, froide et pluvieuse, l'homme quitte soudainement le réveillon familial, vers 1 heure moins le quart. Il emporte avec lui son fusil de chasse, chargé de balles Brennecke - celles qu'on utilise pour stopper les sangliers lors des battues. Il frappe à la porte des Gaspari. Laurent ouvre. Le cantonnier est abattu d'une décharge de chevrotine tirée en plein visage. Mais le meurtrier ne s'arrête pas là. Il prend le temps de recharger. La compagne du cantonnier, Jacqueline, est tuée, elle aussi, sur le perron. Ils avaient tous les deux 25 ans. Seule leur petite fille de 2 ans survivra. Elle sera retrouvée, à quelques mètres du corps de ses parents, dans la pièce voisine. Ambroggi tente de prendre la fuite mais est intercepté par les gendarmes à un barrage. L'histoire n'est pas terminée pour autant. Le nom d'Ambroggi est en effet venu allonger la liste déjà longue des évadés en Corse. Le 28 novembre 1998, grâce à une échelle, spécialement construite en Sardaigne par des complices, il enjambe le mur de la prison de Borgo. Il se fait la belle, avec un autre tueur présumé. Le 15 novembre 1999, Ambroggi sera condamné - par contumace - à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d'assises de Corse-du-Sud. Depuis, à Aullène, on connaît le prix d'une parole.
Une priorité: la protection des jurés
S'il est arrêté, Ambroggi aura droit à un nouveau procès, devant une cour d'assises composée, comme le veut la loi, de trois magistrats professionnels et de neuf jurés. Il est probable que ces derniers se méfieront. La première liste de jurés, établie à partir des listes électorales des municipalités, circule en effet très largement en Corse. Dès lors, la proximité et la densité des liens personnels ou professionnels (les seules villes de Bastia et d'Ajaccio concentrent la moitié de la population) facilitent les manœuvres «d'approche». «Je figurais sur l'une de ces listes, témoigne cette femme rencontrée par L'Express. Je pouvais donc être désignée par tirage au sort. Un proche de la famille de l'accusé est venu me voir. Il n'a proféré aucune menace. Il m'a simplement parlé de sa personnalité, des risques que la prison lui faisait encourir: il plaidait déjà les circonstances atténuantes.» Un autre juré pressenti a reçu la visite d'une personne qui disposait de l'intégralité de la liste: son adresse avait été recopiée avec la même erreur que sur l'original.
Parfois, faute de temps, de préparation ou d'arguments, l'intimidation se déroule en marge de l'audience, sur les marches du palais de justice. Lors de son passage en Corse, le procureur général Bernard Legras a d'ailleurs fait de la protection des jurés l'une des priorités de son action. Désormais, ils pénètrent non plus par l'entrée du public mais par un accès réservé. Pendant toute la durée des sessions d'assises, une unité de police judiciaire est en alerte pour traiter toute tentative d'intimidation. Un témoin cité dans une affaire de meurtre, en novembre 1999, en a fait les frais: pour avoir menacé un juré au sortir d'une audience, il a été condamné à Bastia à six mois de prison ferme. Fait rarissime, en effet, le juré objet de pressions avait immédiatement dénoncé les agissements du témoin.
Les magistrats eux-mêmes ne sont pas à l'abri. Nathalie Chapon, la présidente de la cour d'assises qui a jugé Christophe Pieri et Stéphane Sbraggia, avait reçu une discrète protection policière. «Simple mesure préventive», assure- t-on au palais de justice. En 1999, son véhicule avait été incendié sans que l'on sache si son statut de magistrate en était la cause. «Je ne me suis jamais senti en danger, tempère un juge d'instruction insulaire. Je n'ai pas eu affaire à des intimidations directes. Mais certains conseils appuyés résonnent comme des menaces.» Il est ainsi arrivé que ce conseil prenne la forme d'un pain de plastic. Le 18 janvier dernier, Philippe Toccanier, alors substitut du procureur de la République à Ajaccio, s'apprête à quitter son domicile. En ouvrant la porte, il entend le tic-tac d'une horloge. Il a le réflexe de pousser ses enfants au fond de l'appartement. Les artificiers découvrent 200 grammes d'explosifs reliés à un détonateur. Le système, défectueux, ne peut apparemment pas fonctionner.
Le 16 mai, un éleveur du cap Corse qui vient d'être condamné dans une affaire d'appel téléphonique malveillant est arrêté lors d'un banal contrôle routier. A l'intérieur du véhicule, un minuteur identique, semble-t-il, à celui qui avait été déposé devant la porte du magistrat. Incarcéré, le berger clame son innocence. Il faut bien reconnaître que, dans cette méfiance traditionnelle des Corses à l'égard de leur justice, l'Etat n'est pas totalement exempt de reproches. Au sein de la commission d'enquête parlementaire sur les forces de sécurité en Corse, qui a rendu son rapport en 1999, les députés dénonçaient vigoureusement la porosité des services d'enquête. Mais ils citaient nommément un informateur présumé dans l'enquête sur la mort du préfet Erignac… Son implication a été formellement démentie depuis par le préfet Bernard Bonnet, mais le mal était fait. En attendant, sur le terrain, les enquêteurs peinent toujours à gagner la confiance des témoins. Un proverbe corse, largement répandu dans le Bassin méditerranéen, prévient: «Ce que tu ne dis pas t'appartient. Ce que tu dis appartient à tes ennemis.» Autrement dit, silence, on tue!
Les mystères de Lucciana
Le 21 août 1998, Christophe Garelli se rend avec des amis au village de Lucciana (Haute-Corse). Là, ils tombent sur un bal organisé par la veuve d'un militant nationaliste d'A Cuncolta tué deux ans plus tôt dans l'explosion d'une voiture piégée sur le vieux port de Bastia. Or Garelli appartient à un clan opposé. Une altercation éclate à la buvette devant les quelque 250 personnes présentes ce soir-là, dont tout l'état-major d'A Cuncolta. Des armes sont brandies. Marc, un ami de Garelli, l'entraîne à l'extérieur et tente de l' «exfiltrer». Mais les deux jeunes gens sont suivis. Arrivé dans une ruelle, l'un des deux poursuivants, armé d'un pistolet automatique Glock, tire une dizaine de balles dans le dos de Garelli, qui s'écroule. Le tueur loge deux derniers projectiles dans le bas-ventre de sa victime et passe sans un regard pour le cadavre. La rumeur désigne rapidement Stéphane Sbraggia, qui semble correspondre au portrait-robot, et Christophe Pieri, qui, ce soir-là, abandonne sa voiture et se met au vert. Les deux hommes, qui ont toujours contesté leur implication, ont été acquittés, vendredi 13 décembre, par la cour d'assises de la Haute-Corse. Ils sont désormais libres.
La justice selon Talamoni
Interrogé au lendemain de l'acquittement des militants nationalistes Christophe Pieri et Stéphane Sbraggia, Jean-Guy Talamoni, l'un des élus de Corsica Nazione à l'Assemblée territoriale, n'a pas souhaité s'exprimer sur la question. «Je ne commente pas une décision de justice», a-t-il tranché. Mais l'avocat développe longuement sa conception traditionaliste de la loi en Corse dans un article publié par l'hebdomadaire du mouvement, U Ribombu, la veille du verdict. Talamoni y commente un livre de «notre ami» Jean-Claude Rogliano, intitulé précisément Justice en Corse. Il félicite l'auteur, qui «nous rappelle qu'il y a peu de temps encore, dans notre pays, la parole avait infiniment plus de poids que les écrits, le respect de la parole donnée étant un des critères essentiels d'appartenance à une civilisation de l'oralité». Talamoni vante l'action des paceri, ces juges de paix «dont le verbe faisait taire les fusils». «Qu'il s'agisse de la sphère privée ou publique, quel que soit le moyen mis en œuvre - conflit, diplomatie ou politique - l'objectif est bien toujours le même, que les Corses ont, à travers les âges, poursuivi avec énergie et opiniâtreté: la justice. [...] Mais cette justice n'est pas toujours celle des tribunaux.»
Une longue série d'homicides
La Corse souffre depuis des années d'un taux d'homicides élevé. Un traumatisme pour une société de 256 000 habitants, encore très rurale, caractérisée par la densité des liens familiaux et amicaux. Il est ainsi frappant de constater que bon nombre de personnes, amis ou parents, ont été touchées par la disparition d'un proche. Depuis le début de 2002, 14 homicides et tentatives ont été recensés dans l'île*. Un chiffre qui marque, cependant, une baisse importante par rapport à ces dernières années. En 2001, 46 personnes ont perdu la vie, à l'occasion notamment d'une sanglante série de règlements de comptes, situés à la marge du nationalisme et du banditisme. En 1995, 57 personnes ont été tuées, 40 en 1996, à cause, surtout, des luttes entre clans nationalistes. Le phénomène apparaît parfois assez localisé. Les statistiques mettent en effet en évidence, pour la période récente, un nombre plus important de meurtres en Haute-Corse qu'en Corse-du-Sud. La petite délinquance reste, elle, répartie dans l'ensemble de l'île.
Ici, on acquitte plus qu'ailleurs
En Corse, le taux d'acquittements est longtemps resté très largement supérieur à la moyenne nationale. Ainsi, dans les 140 affaires criminelles jugées entre 1988 et 1998, 21,3% des accusés ont été déclarés non coupables contre... 4,97% pour l'ensemble du territoire national. Ces dernières années, les acquittements se sont faits plus rares sur l'île. Reste qu'il est possible de «dépayser» un procès «dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice». Une formulation volontairement vague. Le procureur général peut, par exemple, invoquer des «troubles sérieux à l'ordre public». En Corse, la procédure est finalement peu utilisée dans les affaires de droit commun (les dossiers terroristes sont, eux, systématiquement instruits et jugés à Paris). Entre 1988 et 1998, 8 procédures criminelles seulement ont ainsi été renvoyées vers une juridiction du continent pour y être jugées, ce qui représente 5,4% de l'ensemble des affaires. Le parquet général de Bastia avait choisi de ne pas dépayser le dossier Garelli. Le garde des Sceaux, Dominique Perben, a indiqué que le procureur général de Bastia envisageait de faire appel et de demander, cette fois, le dépaysement.
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